De nombreuses entreprises cherchent à louer des locaux pour une durée limitée ou flexible. Qu’il s’agisse de bureaux, de commerces ou d’autres activités, leur soumission au statut des baux commerciaux et à sa durée « 3-6-9 » ne permet pas toujours de répondre à leurs besoins.
Dans ce dossier, Arthus Noël, avocat en droit immobilier au sein du cabinet PONROY-NOEL ASSOCIES vous informe sur quelques solutions envisageables.
Le bail dérogatoire
Selon l’article L145-5 du code de commerce :
« Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre (chapitre relatif aux baux commerciaux) à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans.
A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. (…) »
Les parties peuvent ainsi décider de déroger au statut des baux commerciaux, afin de conclure un bail d’une durée de, par exemple, un, deux ou trois ans.
Ce type de bail permet à un locataire souhaitant tester un concept ou un emplacement, de pouvoir exploiter des locaux sans s’engager à les garder pendant au moins trois ans.
Il permet par ailleurs au propriétaire de louer ses locaux tout en s’assurant de pouvoir les récupérer rapidement et sans avoir à verser d’indemnité d’éviction. Cette possibilité peut notamment être très utile pour un bailleur projetant des travaux importants, ou souhaitant occuper lui-même les locaux par la suite.
Les parties doivent toutefois respecter certaines règles, pour éviter que le bail dérogatoire ne donne lieu à un bail commercial classique.
Ce même article L145-5 prévoit en effet : « Si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre (chapitre relatif aux baux commerciaux). (…) »
Ainsi, si les locaux ne sont pas libérés à l’issue de cette « durée », et que le bailleur laisse le locataire en possession, un bail commercial s’opère.
Or, selon la jurisprudence en la matière, cette « durée » est celle du contrat de bail dérogatoire conclu entre les parties, et non la durée maximum de trois ans autorisée par l’article L145-5 : Cour de cassation, 8 juin 2017, n°16-24045
C’est donc bien dès la fin de la durée prévue dans le bail que la partie ne souhaitant pas qu’un bail commercial s’opère devra agir :
- Le locataire, en restituant les locaux ;
- Le bailleur, en rappelant clairement au locataire qu’il entend récupérer les locaux et que le locataire a l’obligation de les libérer. Il convient d’effectuer cette notification par courrier recommandé ou par acte d’huissier et de respecter, le cas échéant, les modalités prévues par le bail. À défaut de restitution des locaux par le locataire à la fin du bail, il est conseillé au bailleur d’engager, après mise en demeure du locataire, une procédure judiciaire visant à obtenir la libération des locaux, pour confirmer qu’il ne laisse pas le locataire en possession.
L’article L145-5 du code de commerce précise également qu’un bail commercial s’opère à l’expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d’un nouveau bail pour le même local.
Il est précisé que les contrats de location à caractère saisonnier, plus spécifiques, sont soumis à d’autres règles.
La convention d’occupation précaire
La conclusion d’une convention d’occupation précaire, qui permet également de se soustraire au statut des baux commerciaux, nécessite la réunion de plusieurs critères.
Contrairement au bail dérogatoire, l’accord des parties n’est pas suffisant.
L’occupation des lieux doit en effet n’être autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.
Pour éviter une requalification en bail commercial, la précarité doit être objective et indépendante de la volonté des parties et la redevance, qui doit tenir compte de cette précarité, doit être modique, donc inférieure aux loyers de marché.
La loi ne prévoit pas de durée maximale pour cette convention.
Ce type de convention ne peut donc être utilisé que dans des cas limités, par exemple lorsqu’une expropriation est prévue ou que les locaux doivent être détruits dans le cadre d’une opération ne dépendant pas du bailleur.
Le contrat de prestation de services
Une autre solution, pour les entreprises souhaitant bénéficier de plus de flexibilité, est de préférer au bail commercial un contrat de prestation de services.
Dans ce contrat, l’objet n’est plus la location de locaux mais la mise à disposition, par l’exploitant, d’un ensemble de services comprenant notamment l’accès à des locaux.
Il peut s’agir de coworking, comme de bureaux occupés par une seule entreprise.
Ici aussi, une requalification en bail commercial – ou professionnel selon les cas – peut avoir lieu. Pour l’éviter, la fourniture de services doit être réelle et constituer, non pas un accessoire à la mise à disposition de locaux, mais l’objet principal du contrat.
La liberté contractuelle apportée par ce type de contrats permet alors aux parties de choisir la durée, les conditions de résiliation et les prestations fournies.
Cette solution peut également permettre à une entreprise, en signant un seul contrat, de bénéficier de bureaux déjà meublés, équipés et de nombreux services comme, par exemple, un accès à internet, le ménage des locaux, un accès à des espaces communs, des services de maintenance, une réception commune, ou encore une possibilité d’accéder à d’autres locaux de l’exploitant.
Si les contrats de prestation de services sont en plein essor pour les bureaux, les baux commerciaux restent toutefois essentiels à de nombreux locataires cherchant plus de stabilité et sont souvent indispensables pour les commerces et pour certaines activités.
Plusieurs solutions s’offrent ainsi aux entreprises qui préféreraient, à la protection offerte par le statut des baux commerciaux, la liberté et la flexibilité permises par d’autres contrats.