L’épidémie de coronavirus (Covid-19) est-elle un cas de force majeure ?

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Sofia Benammar, avocate en droit des affaires et fondatrice du cabinet SOBENLAW, vous propose le présent article sur les incidences du COVID-19 sur les contrats en cours, à l’exclusion des marchés publics.

Les mesures de confinement prises pour prévenir l’extension de l’épidémie de coronavirus sont d’ores et déjà à l’origine de difficultés économiques et organisationnelles importantes pour les entreprises.

Nos entreprises, associations, commerçants, professionnels libéraux, etc., doivent aujourd’hui faire face à une activité économique très réduite voire à l’arrêt, en raison notamment des mesures de confinement qui ont d’ailleurs vocation à être prolongées.

Dans ce contexte de crise à la fois inédit et tragique, de nombreux acteurs économiques souhaiteraient pouvoir se libérer de leurs obligations contractuelles.

La force majeure pourrait-elle légitimer une telle position ? La solution n’est pas si simple.

L’objet du présent article est de tenter de fournir certains éléments d’informations permettant d’appréhender les incidences du COVID-19 sur les contrats en cours au regard de la force majeure et le cas échéant, de vous accompagner sur les questions que vous pourriez vous poser.

Covid-19 cas de force majeur

Point préliminaire : suspension des loyers, factures d’eau, de gaz, d’électricité…

S’agissant des mesures particulières annoncées le 16 mars au soir par le président de la République, telle la suspension des loyers, factures d’eau, de gaz, d’électricité, etc., les précisions de ce report figurent dans le projet de loi d’urgence adopté le dimanche 22 mars.

Ainsi, le gouvernement permet aux entreprises, aux indépendants, aux professions libérales et aux micro-entrepreneurs dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de « reporter intégralement ou d’étaler le paiement » de leurs factures d’eau, de gaz et d’électricité, ainsi que de leurs loyers.

La mesure s’adresse aux professionnels réalisant au maximum 1 million d’euros de chiffre d’affaires et qui subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70% au mois de mars 2020, par rapport au mois de mars 2019.

Que recouvre la force majeure selon les dispositions légales ?

La force majeure est définie par l’article 1218 du Code civil qui dispose :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

Les caractéristiques de la force majeure imposent donc la réunion de 3 critères :

  • l’événement doit échapper au contrôle de la partie qui ne peut plus exécuter ses obligations (être indépendant de sa volonté) ;
  • l’événement doit avoir été raisonnablement imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
  • l’événement doit être irrésistible lors de l’exécution du contrat et rendre l’exécution du contrat impossible

Il appartiendra au juge de déterminer, au cas par cas, si l’événement invoqué par une partie pour échapper à ses obligations contractuelles revêt effectivement les caractéristiques de la force majeure. Le juge dispose d’une entière liberté d’appréciation en la matière. 

Une étude de la jurisprudence témoigne de ce que les juges français ont été relativement réticents, par le passé, compte tenu des circonstances de l’espèce, à qualifier de force majeure une épidémie (épidémie de grippe H1N1 de 2009 / virus de la dengue).

Toutefois, et s’agissant de l’épidémie de coronavirus, les mesures de confinement imposées par les autorités gouvernementales sont inédites, et celles-ci pourraient éventuellement donner aux événements actuels leur caractère de force majeure, sous réserve de porter une attention particulière à la chronologie des évènements.

Selon moi, il serait possible d’invoquer la force majeure à compter du 4 mars 2020 (date du premier arrêté restrictif interdisant les rassemblements de plus de 5 000 personnes) comme motif valable rendant impossible l’exécution d’un contrat. Mais attention, il appartient au co-contractant de démontrer le lien qui existe entre l’événement et l’impossibilité d’exécuter. Il est en effet important d’insister sur le fait que chaque situation est différente, et l’appréciation du caractère de force majeure, doit être considérée au cas par cas.

Est-il possible de déroger aux dispositions légales dans le contrat ?

En application du principe général de liberté contractuelle, le droit français permet de déroger aux dispositions légales.

Les parties peuvent donc procéder à des aménagements conventionnels du contrat ou des conditions générales de vente ou d’achat, portant notamment sur la définition de la force majeure, la limitation, voire l’exclusion de ses effets sur l’exécution du contrat.

A titre d’illustration, le risque sanitaire peut être exclu des cas de force majeure, le contrat peut également écarter la force majeure comme cause d’inexécution etc.

Recommandations

En pratique et face à cette incertitude, la prudence impose au cocontractant de bien analyser sa situation afin de sécuriser sa position, ce qui implique de commencer par un audit des clauses contractuelles applicables en cas de force majeure.

Pour cela, je vous recommande de :

  1. Vérifier le contenu de votre contrat afin de déterminer s’il existe une clause de force majeure et la manière dont celle-ci a été définie car le droit français permet de déroger aux dispositions légales.
  2. Identifier les conditions de mise en œuvre de la clause de force majeure.
  3. Anticiper les conséquences contractuelles (suspension du contrat, résiliation etc…).
  4. Contacter le co-contractant afin d’échanger sur les mesures qui seront prises en conséquence des clauses applicables.

En conclusion, le défaut de préparation de son dossier en amont pourrait être source de litige dans ce contexte à la fois inédit et exceptionnel que nous vivons.

Chaque situation est spécifique et doit faire l’objet d’une analyse attentive de toutes les circonstances particulières de l’affaire. Il faut donc être prudent avant d’invoquer la force majeure, d’autant que d’autres outils juridiques peuvent exister selon les situations.

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Sofia Benammar

Avant de fonder son cabinet d'avocats, Sofia a travaillé plusieurs années au sein d'AIRBUS puis au sein d’une firme internationale de premier plan HOGAN LOVELLS LLP en corporate Finance. Sofia dispose d'une solide expérience en droit des affaires, en France et à l’international, auprès de grands groupes, d’ETI, de PME et de dirigeants. Elle dispose d'une compétence reconnue en droit des sociétés, droit des contrats, droit commercial et droit de la propriété intellectuelle.



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