Ce dossier vous est proposé par Cédric Fradin, associé du cabinet Adapt1Solution, spécialisé dans le management de la performance globale.
En apparence ce titre peut vous paraître pompeux. Mais je vous rassure tout de suite, je vais m’efforcer de vulgariser et d’illustrer mon propos.
Les dirigeants d’entreprise, quelle qu’en soit la taille, ont des ambitions arrimées à des valeurs et à une raison d’être qu’il leur faut partager avec leurs collaborateurs pour les y associer et donc les impliquer. Et je vous renvoie d’emblée au précepte du général Montgomery visant à : « Rendre tactiquement possible ce qui est stratégiquement désirable ». Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce précepte et qu’est-ce qui en découle concrètement.
Définir une vision et réfléchir à une stratégie
Tout d’abord, les ambitions du dirigeant(e) se traduisent par la définition d’une vision, c’est-à-dire d’un but à atteindre. Attention, première confusion à éviter : le but n’est pas un objectif. Cette vision, ce but long-termiste peut être d’être « leader sur le marché du E.commerce pour les produits de luxe féminins à 5 ans ». Pour atteindre ce but, le dirigeant(e) peut envisager plusieurs chemins, ce que l’on appelle la stratégie. A préciser que ce chemin n’est pas connu, qu’il est probablement incertain et fortement imprévisible.
Mais le dirigeant(e) doit toutefois simuler un premier chemin qu’il va jalonner d’objectifs. Ces objectifs sont des points d’avancement à moyen ou court terme qui lui permettront de vérifier si sa trajectoire est la bonne en direction de sa vision. Qu’il peut à la lecture de ces points d’étape garder le cap qu’il s’était fixé. A défaut il conviendra d’ajuster sa stratégie avec le choix d’un nouvel itinéraire.
Aussi faut-il animer cette stratégie par des plans d’actions qui seront des processus opérationnels activés par les collaborateurs de l’entreprise au quotidien.
Cela étant posé, il faut être en capacité de mesurer quantitativement mais également qualitativement si effectivement le chemin qui est pris est bien celui qui conduit l’entreprise à son but ultime et si les actions menées sont pertinentes. Et se pose alors la question des méthodes et outils de gestion. Nous verrons là encore qu’il y a des amalgames auxquels d’aucuns peuvent parfois improprement se prêter.
Le dirigeant va devoir produire un business plan, qui dans le cas d’une startup, sera intégré à la définition de son business model. Pour faire simple, ce business plan n’est autre que la traduction économique et financière de la stratégie de l’entreprise généralement à 5 ans ; avec un compte de résultat, un bilan et un tableau des emplois/ressources. Rien n’empêche le dirigeant visionnaire d’avoir un but précis bien au-delà.
Mais ce business plan n’intègre aucun indicateur de mesure, des indicateurs qui en l’occurrence vont être positionné à 2 niveaux.
Déterminer des indicateurs stratégiques
Tout d’abord, le dirigeant va devoir déterminer des indicateurs, notion essentielle mais parfois mal qualifiée, qui traduisent l’atteinte de ses objectifs, nos fameux points d’étapes à court ou moyen terme. Prenons 2 exemples d’objectifs pour le cas d’une entreprise qui a déjà une activité et en l’occurrence des informations de référence à mettre en comparaison :
- « augmenté de 5% les ventes en ligne de chaussures féminines sur l’exercice » (objectif commercial court terme),
- « diminuer de 10% les absences pour maladie de moins de 4 jours pour les non-cadres sur les 2 ans et maintenir ce niveau » (RH moyen terme).
Des points d’étapes qui doivent être très clairement exprimés et positionnés dans le temps. Ayez bien à l’esprit que ces objectifs doivent être adossés à des facteurs clés de succès, paramètres centraux qui conditionnent la réussite de l’entreprise, et donc l’atteinte du résultat attendu.
Une nouvelle confusion à ne pas faire : le résultat n’est pas la performance. Nous y reviendrons. Ces indicateurs que l’on peut d’emblée dire stratégiques, de résultat sont intégrés à un tableau de bord prospectif. Je ne développerais pas ici, mais parmi les tableaux de bord stratégiques, le plus souvent utilisé est le balanced scorecard (BSC) conçu par Robert S. Kaplan et David P. Norton. Il reprend les différentes dimensions assimilées aux facteurs clés de succès qui concourent au résultat. Nombreux disent qui concourent à la « performance » de l’entreprise : c’est à mon sens une erreur. Il est avant tout un outil de représentation et de visualisation de la stratégie, et donc il vise le management stratégique et non le pilotage de la performance opérationnelle.
Aussi vais-je vous aider à mieux comprendre pourquoi….
Construire les tableaux de bords opérationnels
Les indicateurs stratégiques ayant été identifiées et clairement décrits, ce pour avoir bien à l’esprit le résultat à atteindre, il convient maintenant de les animer et donc de coordonner la stratégie. C’est là qu’interviennent les tableaux de bords opérationnels dits aussi de performance. Ces tableaux de bord à destination des collaborateurs sont construits autour d’indicateurs dits de pilotage ou de performance. C’est d’ailleurs à ce niveau-là seulement que l’on parle de KPIs (Key Performance Indicators : indicateurs clés de performance qui sont souvent maladroitement qualifiés d’indicateurs de résultat ; or c’est une erreur). Ces KPIs sont reliés aux leviers clés de performance qui sont en quelque sorte la déclinaison opérationnelle des facteurs clés de succès (de résultat) abordées plus avant.
Par exemple, pour agir sur le résultat commercial objectivé que nous avons évoqué, à savoir « augmenté de 5% les ventes en ligne de chaussures féminines sur l’exercice », qui ne sera bien qu’un constat à un instant T (i.e à la clôture de l’exercice), on va s’appuyer sur des performances opérationnelles liées à des processus internes. En cela l’indicateur de performance est un indicateur directement actionnable : « augmenter de 10% le nombre d’appels de prospects de moins de 25 ans sur l’année ». C’est bien une action des assistantes commerciales hot line visant à « accélérer le processus » de prospection. Si je veux agir sur le taux de turnover (qui est une image à un instant T d’une situation, donc un résultat qui est soit un succès soit un échec), on peut agir sur différents leviers de processus RH qui seront dit efficaces (c’est un des sens de la performance avec l’efficience), car ayant permis d’atteindre le résultat : « augmenter les variables des commerciaux de 5% sur les ventes de chaussures de luxe sur l’année» (commissions sur ventes de chaussures de luxe N/commissions N-1), «augmenter le nombre d’heures de formation à la vente de 15% sur l’exercice » (Nbre d’heures N/N-1)….
Aussi et sans vouloir pousser le trait trop loin, je considère que l’on suit de loin la stratégie et donc les indicateurs de résultat alors que l’on pilote de près les actions terrain et donc les indicateurs de performance.
Illustration avec un cas pratique
J’avais envie de terminer mon propos par une illustration qui devrait vous permettre de mieux comprendre encore, avec un sportif de haut niveau spécialiste du saut en longueur. Il a pour vision d’être champion du monde à 3 ans, avec pour objectifs d’améliorer sa marque de 10 cm chaque année.
Une belle ambition avec de beaux objectifs. Il va pour ce faire choisir de s’encadrer d’un entraîneur reconnu et de multiplier les stages aux US : qui sont des facteurs clés de succès, car ceux sont bien des paramètres qui vont participer (ou non d’ailleurs) à l’atteinte de sa vision. Il fera un point d’étape chaque année pour savoir où il en est de sa marque (de ce fameux résultat objectivé chaque année de 10 cm supplémentaire). Mais pour atteindre ce résultat, il va devoir au quotidien travailler sur les leviers clés de performance sur lesquels lui et lui seul peut agir : sa vitesse de course, la marque sur la plasticine, son amplitude de bras au moment de l’impulsion. Il va également être sur un terrain plus tactique (avant de rentrer en action) dans la gestion de la fréquence et de l’intensité de ses entrainements qui sont aussi appréciables sur le terrain de la performance : car c’est lui qui en décide.
En bref : ce qu’il faut retenir
Définition stratégique :
- Management Top-Down avec une direction générale qui oriente
- Traduction financière dans le business plan (Long-terme)
- Facteurs/axes/perspectives clés de succès
- Objectifs stratégiques : points d’avancement sur le « chemin » (= stratégie)
- Indicateurs de résultat ou de suivi
- Tableau de bord prospectif ou stratégique (Cf BSC)
- Suivre les résultats de loin (image à instant T)
Animation de la stratégie :
- Management Buttom-up avec des collaborateurs qui doivent être directement associés aux choix des indicateurs opérationnels
- Leviers clés de performance
- Indicateurs clés de performance (= KPIs) des processus opérationnels
- Tableaux de bord opérationnel ou de performance
- Piloter la performance de prêt (en temps voulu)
J’espère que cette approche vous aura apporté un éclairage sur des concepts parfois confus et mal interprétés, et que vous mesurerez l’enjeu d’une démarche essentielle pour réaliser ses ambitions d’entrepreneur. Une démarche qui va de la définition de sa stratégie par des objectifs clairement exprimés et partagés en phase avec sa mission et ses valeurs, à l’animation de son déploiement via le pilotage d’indicateurs clés de performance des processus arrimés à des leviers sur lesquels seuls les contributeurs à la performance peuvent agir au quotidien. Noter que cela implique également des enjeux de management des ressources humaines et une véritable dynamique d’amélioration continue pour toujours poursuivre l’excellence des processus.
Pour suivre Cédric et découvrir ses autres contributions : https://www.linkedin.com/in/cédric-fradin-6a538970/